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24 avril 2008

« Née en télévision, grandie en internet, épanouie en téléphonie… »

Publié par Catherine Grandcoing (1978) et Laurence Sonzogni | N° 32 - Les agences de notation

En 1987, nommée directrice du marketing éditorial et de la prospective des programmes de TF1, je constituai mon équipe pour relever les défis qui s'offraient à cette chaîne nouvellement privée. Une annonce, naturellement envoyée à l'ENSAE, me permit de recruter Laurence Sonzogni, jeune Ensai fraîchement diplômée. Vingt ans plus tard, Laurence, devenue Directrice des projets de télévision mobile chez Bouygues Télécom, nous raconte son histoire qui se mêle année après année avec celle de l'image …

Laurence Sonzogni, entrée en communication il y a vingt ans, peut revendiquer "d’être née en télévision, d'avoir grandi en internet et de s'épanouir en téléphonie" suivant ainsi le cheminement de l'image au fil du développement des nouvelles technologies.
L'histoire professionnelle de Laurence (Ensai 85) illustre bien les opportunités du secteur de la communication qui, depuis plus de vingt ans, et pour encore de belles années, évolue à une vitesse prodigieuse, découvrant régulièrement de nouveaux champs d'exploration en termes de comportements des individus mais aussi de business pour les entreprises.

Les années 90 ou la révolution télévisuelle

1986 - 1987, la Cinq et M6 sont lancées, TF1 est privatisée : le monde de la télévision passe de l'ère du service public à vocation culturelle à celle de la nécessaire efficacité, génératrice de rentabilité, synonyme de survie pour une entreprise privée quelle qu'elle soit. Il devient alors indispensable pour les chaînes de mesurer le volume de leurs téléspectateurs devenus leur critère de valorisation et d'échange économique. La mesure de l'audience devient un enjeu majeur, les panels fournissent en temps quasi réel (dès le lendemain matin) la description des comportements télévisuels des Français seconde par seconde. Dans un contexte de concurrence exacerbée, une réactivité immédiate est exigée pour optimiser les programmes et rassembler ainsi le plus large public devant telle ou telle chaîne. Ces sont des centaines de milliers d'informations chiffrées qui, chaque matin dès 9h, doivent être analysées, comparées, contextualisées pour que, sans délai, les mesures soient prises, les programmations modifiées, les promotions des programmes intensifiées. Chaque matin, les enseignements de la veille sont tirés dès 10h et les "pour action" sont lancés en simultané.
De manière naturelle, Laurence Sonzogni trouve là, dans un contexte motivant et novateur, matière à exercer ses compétences de quantitativiste : analyse des audiences transmises chaque jour par Médiamétrie, mise en place d'un système d'information permettant à chaque direction de la chaîne de comprendre le sens de ses audiences et d'en faire un usage opérationnel efficace, croisement des audiences avec des études comportementales plus sociologiques comme les études budget-temps … autant d'activités dans lesquelles la maîtrise des bases d'informations quantitatives et la capacité à en extraire du sens sont le cœur du métier.

D'autant plus que, si en 1987 le paysage français comptait six chaînes, moins de dix ans plus tard, le public français disposait de plus de cent chaînes, diffusées à l'aide de nouveaux moyens de diffusion (l'analogique hertzien, qui quelques années plus tard sera enrichi du numérique hertzien dit TNT, le câble analogique et numérique, la voie satellitaire numérique et, en émergence déjà, les promesses de diffusion via le net avec le développement du haut débit). Cette évolution s'accompagne de profondes adaptations des moyens de mesure et, de fait, des méthodes de calcul et d'analyses des audiences.

Mais aussi, et surtout, l'élargissement du paysage audiovisuel impose à chaque acteur de participer à une guerre de survie car tous savent que le XXI° siècle sonnera l'heure d'une nécessaire réorganisation du paysage, synonyme de disparitions pour les chaînes qui n'auront pas su rassembler un public suffisant (comme ce fut le cas, quelques années auparavant, pour les stations de radio lorsque les "radios libres" se sont pliées aux dures lois du marché, et particulièrement à celle du partage du gâteau publicitaire, qui n'est pas extensible à l'infini).

Dix ans plus tard, une indispensable diversification

De fait, la fin des années 90 précipite les chaînes dans une réflexion stratégique de positionnement et de recherche de nouveaux revenus face à un avenir de plus en plus concurrentiel, d'autant plus que, parallèlement, les annonceurs deviennent toujours plus exigeants quant à la rentabilité de leurs investissements publicitaires. Il est temps de trouver des financements complémentaires à ceux de la publicité.

Plusieurs possibilités s'offrent aux groupes de télévision (les groupes France Télévision, TF1 ou M6 …) : la diversification internationale avec la prise de participation dans des chaînes étrangères permettant un meilleur amortissement des programmes achetés ou produits, la négociation de royalties par les chaînes dites thématiques auprès de leur plate forme de diffusion câble ou satellite, … autant de stratégies de développement fondées sur une valorisation de l'audience. De manière naturelle, Laurence Sonzogni évolue vers des activités plus business et financières liées à l’audiovisuel qui lui font parfois regretter de ne pas avoir eu d'enseignements plus généralistes, plus business et gestion économique des entreprises privées. Toutefois, sa formation lui a permis d'acquérir une grande capacité d'ouverture et d'adaptation qui la soutient efficacement dans la découverte de ses nouveaux métiers.

Internet, révolution technologique et relais de croissance

La bulle internet ouvre des perspectives inespérées au business des chaînes de télévision et, dès 2000, chacune d'entre elles développe une filiale interactive dans laquelle fourmillent les nouvelles idées : la création des sites de la marque et des marques dérivées à des fins d'information et de promotion d'image, la diffusion payante sur le net de certaines chaînes thématiques, les développement multimédia mobile qui commencent à tricoter la convergence internet / téléphonie, l’interactivité liée aux programmes de télévision qui accompagne la création de nombreux produits, dérivés des émissions, diffusés sur l'antenne, sur le net et par les opérateurs téléphoniques, et fondés sur une participation des téléspectateurs - internautes (par exemple le jeu "Qui veut gagner des millions" sur internet permet aux internautes et de jouer eux-mêmes en échange d'une participation financière) …
Laurence quitte naturellement la " télévision au sens strict" pour intégrer la filiale e -TF1 et élargir ainsi sa fonction de business-développement aux différentes plates formes de diffusion. L'image n'est plus désormais le produit de la télévision mais devient un produit numérisé qui existe de manière transversale sur tous les modes de diffusion, accompagné de possibilités interactives génératrices de business. On est loin de la télévision financée par les seules recettes publicitaires. Les conséquences économiques de cette évolution sont vertigineuses et synonymes d'un bouleversement des métiers et des organisations qui désormais se structurent pour optimiser les revenus cross medias des produits télévisuels.
Conception et production des émissions de télévision sont profondément transformées : une idée d'émission devient désormais un concept qui a vocation à être décliné selon différents formats adaptés à la télévision, mais aussi à la diffusion sur internet (sur des sites thématiques, des plates-formes communautaires …), sur des radios, … et demain sur des téléphones mobiles. Et si possible, chacune de ces adaptations devra générer des recettes publicitaires mais aussi des revenus liés à l'interactivité avec les publics touchés.

"Le téléphone mobile est à la communication ce que 1789 fut à l'histoire de France"

"Le téléphone mobile est à la communication ce que 1789 fut à l'histoire de la France" déclarait il y a quelques années, de manière prémonitoire, Maurice Lévy, Président du Groupe Publicis.
En effet, l'individu ainsi connecté "any time, any where, any device" peut, grâce à son téléphone mobile, communiquer par la voix, les mots (SMS) et bientôt les images (MMS et flux télévisuels). La télévision sur téléphone mobile, déjà présente sur les réseaux des opérateurs mobiles et renforcée pour dans quelques mois par la TMP (Télévision Mobile Personnelle), va compléter l'ensemble des plates formes de diffusion auxquelles l'image a accès. Forte de son expérience en télévision puis chez e-TF1 et devenue spécialiste du développement de business associés à l'image (numérique et interactive), Laurence Sonzogni entre chez Bouygues Télécom en 2003 pour prendre la responsabilité des projets de télévision et de vidéos sur le téléphone mobile.

Partie de l'analyse des chiffres d'audience, Laurence voyage ainsi depuis bientôt vingt ans en suivant les comportements des individus face aux images diffusées tout d'abord en télévision puis transformées ensuite en contenus-sources de business par la richesse du numérique et de l'interactivité associés. Les différents métiers de Laurence illustrent bien l'évolution et les développements inenvisageables il y a peu des métiers de la communication.
Fondée sur les développements technologiques, soutenue par l'explosion d'internet et du haut débit, et toujours liée aux comportements des individus et à leur mesure, la création de richesses à partir de "contenus - images" devient un champ d'activités dans lequel les compétences quantitatives, marketing et financières sont attendues. Le champ d'exploration est large, le potentiel de développement immense, les générations à venir montrent par leurs comportements de communication atawad* que l'aventure n'en est qu'à son début.

* atawad : any time, any where, any device

Autrice

Catherine Grandcoing (1978) et Laurence Sonzogni

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