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15 septembre 2003

Cotisations retraite: les femmes doivent-elles payez davantage ?

Publié par Nathalie Merlin Louat et Jean-Pierre Oddou | N° 4 - Aspects économique et sociaux de la retraite.

Aucun texte de loi, aucune directive européenne ne pourra venir à bout de la plus flagrante des inégalités entre les sexes: les femmes ont une espérance de vie supérieure à celle des hommes. Au nom des principes d'égalité, les caisses de retraite appliquent le même taux de cotisation aux hommes qu'aux femmes. Pourtant, elles assurent des prestations différentes, puisque les femmes percevront une pension de retraite plus longtemps que les hommes. Au nom du même principe d'égalité, ne doit-on pas majorer les cotisations des femmes pendant leur vie active ou diminuer leurs prestations après la retraite?

Avec une espérance de vie supérieure de 8 ans à celle des hommes, les femmes perçoivent une retraite plus longtemps que les hommes, avec un taux de cotisation identique, Aujourd'hui négligeable, ce déséquilibre ne le sera plus en 2007, si l'on en croit les projections du Ministère du Travail, qui annonce que les femmes seront alors majoritaires dans la population active.

Raisonnons à partir de deux actifs de sexe opposé, qui débutent leur vie professionnelle à 25 ans, avec un salaire S, et qui bénéficieront pendant leur carrière d'augmentations nominales de salaires régulières de 0%. Ils paieront un taux de cotisation retraite de a%, puis toucheront après 60 ans une prestation égale a b % de leur dernier salaire. On peut estimer, au moment de leur entrée dans la vie active, la valeur de leurs cotisations totales: il s'agit de la somme des cotisations annuelles, actualisées au taux i et probabilisées par les chances de survie à chaque âge. Cette somme est égale a:

(1) S a S(l + q)t : Montant des cotisations payées annuellement
(I25 , t /I25) : Probabilité pour un individu de vivre encore à l'âge 25 + t alors qu'il était vivant a 25 ans
(1 + i ) - t : Facteur d'actualisation

Ainsi, les femmes ayant, entre 25 et 60 ans, une probabilité de survie supérieure à celle des hommes, elles cotiseront davantage que les hommes (+2,~4%). De même, la somme actualisée des prestations touchées après 60 ans, c'est-à-dire avec un différé de 35 ans, s'écrit :

(2) S b S(l + q)31
(I60 + t /I25)
(1 + i) - (t+35)

En raison du différentiel d'espérance de vie après 60 ans, les femmes recevront en moyenne une pension supérieure de 32,5 % à celle des hommes.

Pour chacun des sexes, le bilan actuariel de ces flux est synthétisé par le rapport «cotisation/pensions», qui représente le coût de la retraite d'un assuré. La mise en regard de ces deux rapports permet d'obtenir une formulation qui admet des simplifications (S, a, P), et qui facilite la comparaison entre le coût de la retraite des femmes et celui des hommes.

Il en ressort que le différentiel d'espérance de vie se traduit, pour les régimes de retraite, par un surcoût de la couverture des retraites féminines de 30%. Doit-on alors augmenter les cotisations des femmes de 30% ?

En fait, ce résultat est trompeur car il ne prend en compte que les droits directs de la pension de retraite. Or, le droit à pension de droit direct génère également un droit dérivé: la pension de réversion destinée aux conjoints des cotisants.

La pension de réversion est perçue, à partir du décès de l'assuré, par son conjoint tant qu'il est en vie. Le coût total de la réversion intégré la probabilité combinée de ces deux événements et le taux réversion g, le montant de la réversion étant toujours un pourcentage de la pension de droit direct à laquelle avait droit l'assuré.

Un déséquilibre naît là encore du différentiel d'espérance de vie, mais il joue cette fois de façon inverse: la réversion, issue du droit direct des hommes et bénéficiant aux veuves, alourdira davantage le coût de la retraite masculine que celle, issue du droit direct des femmes, qui devrait être versée aux veufs, puisque ceux-ci sont beaucoup moins nombreux. Ainsi, la femme bénéficie pour elle-même



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Figure n°1 : Les femmes ont une espérence de vie superieur à celle des hommes.


d'un droit direct plus important, mais elle génère, pour son conjoint, une réversion plus faible, dès lors, le total des prestations à comparer aux cotisations est la somme des droits directs et des droits dérivés.

Le rapport « cotisations/prestations totales» est inférieur de 6% pour les femmes, sous l'hypothèse d'une réversion à 60 ans avec un taux le 60% pour les deux sexes, ce qui signifie que les femmes génèrent davantage de prestations pour les mêmes cotisations.

L'introduction d'une variation des conditions de versement de la réversion (âge, taux), du toux de cotisation, ou de l'âge de départ à la retraite pourrait permettre de rééquilibrer actuariellement ces inégalités. Une augmentation de 6% des cotisations des femmes ou un abattement de 7% de leur pension propre compenserait le moindre rendement de leurs cotisations. Si l'on ne veut pas modifier le niveau de leurs droits directs, il faudrait fixer l'âge de la réversion à 50 ans avec un taux de 72 %, mais la réversion aurait alors un coût plus élevé pour l'institution le retraite.

Pour obtenir l'égalité entre les sexes, tout en maintenant une réversion à 60 ans et à 60% pour les femmes, il faudrait supprimer toute réversion pour les veufs, ou fixe un âge de réversion de50 ans pour les veuves et de 60ans pour les hommes. Les veufs subiraient alors, à travers leur réversion, les conséquences des avantages de leurs épouses en matière de droits directs.

La réalité reste toutefois très différente de ce modèle. Toutes choses égales par ailleurs, les régimes de retraite sont effectivement favorables aux femmes. Cependant, leur durée de vie professionnelle réelle ouvrant droit à pension est inférieure d'un tiers à celle des hommes. En outre, l'irisée a confirmé récemment que l'écart de salaire de 23%, dans le secteur privé et à temps complet, ne se réduisait qu'extrêmement lentement et qu'une femme sur quatre travaille actuellement à temps partiel, alors que ce phénomène touche moins de 5 % des hommes.

tri conséquence, et malgré les bonifications pour enfants accordées par certains régimes, leur pension de retraite de droit direct représente moins de la moitié de celle des hommes (sauf dans le régime général, où elle est proche de 75%, en raison d'un minimum et d'un maximum). Tant que ces écarts ne seront pas résorbés, et même si des calculs actuariels pourraient le justifier, il serait un peu provocateur de vouloir instituer des cotisations retraite obligatoires majorées pour les femmes, sous le prétexte qu'elles ont une espérance de vie supérieure à celle des hommes.

En revanche, avec le développement de la capitalisation et la possibilité désormais offerte à l'assureur privé d'utiliser des tables d'expérience, il n'est pas exclu de voir apparaître des produits d'assurance vie dont la tarification serait différenciée selon le sexe, avec majoration des cotisations pour les femmes. Après tout, n'est-ce pas ce que proposent déjà certaines compagnies IARD en assurance automobile, en majorant leurs tarifs pour les hommes?

Le sujet peut également être vu sous l'angle des prestations reçues par l'assuré: on étudiera alors non plus les pensions qu'il génère pour lui-même et ses ayants droit, mais celles qu'il pourra percevoir personnellement. Chaque membre d'un couple d'actifs, ayant les mêmes caractéristiques que la population de cette étude et cotisant à un régime autorisant le cumul, bénéficiera de sa propre pension de droit direct et de la pension de réversion issue de son conjoint. La femme recevra, grâce aux cotisations de son mari, une pension de réversion trois fois supérieure à celle que l'homme percevra au titre des droits dérivés de son épouse. En cumulant cet avantage avec une pension de droit direct supérieure de 32,5%, la femme recevra des prestations totales supérieures de 50% à celles de son mari.

Nathalie Merlin Louat Ensce CGSA 82
Jean-Pierre Oddou Ensce SEA 88

Autrice

Nathalie Merlin Louat et Jean-Pierre Oddou
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