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16 avril 2007

Un peuple migrateur : les Ensae

Publié par Roland Bembaron, responsable des Enseignements de Langues et des Relations internationales | N° 29 - Finance, nouveaux risques, nouvelles réglementations

L’image qu’un Sorbonnard peut se faire de ces drôles d’étudiants que l’on appelle des « élèves », sortant des jupes de leur taupe pour intégrer le cocon d’une grande école a persisté jusqu’à ce que j’arrive à l’ENSAE. J’y ai découvert non pas des pantouflards, mais des aventuriers.
Que ce soit pour un stage de première ou de deuxième année, une année de césure, ou une troisième année externée, les ENSAE choisissent de plus en plus souvent des destinations exotiques. Qu’en est-il du charme discret de la Banque Populaire de Chalon sur Saône et de l’ivresse des couloirs du Crédit Agricole de Charleville-Mézières ? Tous les professionnels l’affirment, la meilleure formation dans les secteurs de la banque, de la finance et de l’actuariat, c’est sans conteste Malakoff. Un soupçon de lisibilité (un mot chic pour dire « ENSAE kezako ? »), laissez mariner quelques années de plus, (comment lutter à armes égales avec ces vieilles dames de Palaiseau ou de la rue d’Ulm nées au 18ème siècle !), rajoutez un peu plus d’anglais en amphi, secouez modérément et vous allez voir les étudiants affluer des quatre coins de la planète.

Accueillir les étudiants étrangers

De nombreux élèves étrangers, pour la plupart recrutés via les concours du CESD, fréquentaient l’ENSAE. Avec la libéralisation des échanges avec les pays de l’Est et l’entrée de l’ENSAE à ParisTech, l’intérêt des étudiants étrangers pour la rue Pierre Larousse ira croissant et enrichira les palettes visuelles et sonores de la K-fet. En attendant, les élèves vont pêcher les bonnes lignes de CV dans les universités américaines et européennes. L’apprentissage des langues joue un grand rôle en la matière. Il donne aux élèves une certaine assurance et c’est sans crainte qu’ils envisagent de s’expatrier, dès qu’on leur donne des bonnes notes. De même, les élèves venant de l’étranger et n’ayant pas effectué leurs études dans notre langue, doivent offrir la certitude qu’ils comprendront ce qu’ils entendent en salle de cours. En attendant le basculement de certains enseignements en anglais, ils suivent un cours de perfectionnement en français durant tout leur séjour en France. Ce cours, très précieux à bien des égards, leur permet de se faire une idée des différents niveaux de notre merveilleux langage et d’apprendre ce qui sépare le français de la cantine de celui des rapports de stage.
L’ENSAE tournée très tôt vers l’étranger

Depuis une vingtaine d’années, 160 élèves de l’ENSAE ont passé leur 3ème année à l’étranger. Ils en ont rapporté des masters of science hautement monnayables dans les banques françaises d’outre-Atlantique et un anglais teinté d’un ravissant accent français.
L’ENSAE, dès 1992, établit des conventions avec quelques universités, en Suisse, aux Pays-Bas, aux USA, en Belgique, en Allemagne et en Catalogne. Cela va provoquer un flux d’échanges importants, notamment avec les deux derniers. La convention a ceci de bien qu’elle évite les affres de l’attente des réponses des universités anglo-saxonnes, dont les critères de sélection et d’admission conserveront toujours un parfum de délicat mystère.

Côté départ vers l’ailleurs, les pays de langue anglaise se taillent la part du lion : L.S.E, Chicago, Columbia, Stanford, Berkeley, bref, uniquement des universités prestigieuses, où l’on constate que les ENSAE choisissent et obtiennent ce qu’il y a de meilleur. On finirait bien par croire qu’ils sont si bons qu’on le prétend ! Dans le sens inverse, les étudiants insuffisamment au fait de nos exigences en mathématiques se font surprendre et ce qu’ils croyaient être un séjour enchanté à l’ombre des palmiers de Paris-plage se transforme vite en un cauchemar non-paramétrique, hanté de fantômes peu probables, mais très stochastiques. Pour pallier ce dernier inconvénient, l’ENSAE a pris la bonne initiative de demander à ce que les élèves allemands intéressés suivent une préparation spécifique en maths et subissent ensuite un test de niveau inspiré d’une épreuve du concours. Petit cocorico : ces cours sont le plus souvent assurés par un des élèves de l’ENSAE faisant sa 3ème année en Allemagne.

Un exemple de convention : l’Allemagne

Certaines des conventions furent un fiasco. Le seul élève parti dans une université texane avait ressenti une grande angoisse au bout de quelques semaines, étant donné la vacuité de ce qu’on y apprenait et avait harcelé le secrétariat aux relations internationales d’appels urgents. C’était avant Internet - comment pouvait-on survivre, alors, loin du périph ? Par contre, les relations avec l’Allemagne sont exemplaires. Cette année, un nombre record de 13 étudiants de nos deux pays briguent le double diplôme de l’Université franco-allemande, laquelle chapeaute ce cursus en fournissant des aides financières. Notons l’excellent niveau en français des élèves venus de Mannheim ou de Berlin, dont l’un me disait qu’il avait encore un petit problème avec le subjonctif… excusez du peu. Les conventions signées avec les universités francophones d’autres pays européens se dessèchent faute de candidats, tant le facteur linguistique pèse sur les choix des élèves.
Seul Montréal attire quelques audacieux, grâce à l’enthousiasme convaincant d’Alain Trognon, directeur du GENES, pour cette université.

Enfin, l’ENSAE avait signé il y a une douzaine d’années une convention avec l’Universitat Pompeu Fabra de Barcelone. Un ou deux audacieux s’y étaient risqués, sans lendemain. Avec le temps, les cours étant en anglais et grâce sans doute à beaucoup de rigueur, cette université a acquis du poids à l’international. Du haut de son classement, elle a fait sa coquette lorsqu’il y a sept ans, nous avons exhumé le vieil accord pour en faire profiter un élève : ils dictent leurs conditions, à prendre ou à laisser, n’ayant plus à respecter une convention oubliée depuis belle lurette. Aujourd’hui les ENSAE, séduits par la proximité de la Catalogne (avec de bonnes chaussures, Paris-Barcelone c’est l’affaire de quelques semaines), y bénéficient d’une ristourne de 50% sur la scolarité ; il n’y a pas de petits profits. Des étudiants catalans viennent au cours d’un semestre valider des crédits à l’ENSAE. La semestrialisation et la mise aux normes de l’école selon le processus de Bologne ont considérablement clarifié la vision qu’offre une grande école comme la nôtre.

La Chine et les Etats-Unis

L’entrée de l’ENSAE à ParisTech, initiée par Stéfan Lollivier et confirmée par Sylviane Gastaldo, a conféré une dimension supérieure à la politique internationale de l’Ecole. D’emblée, le groupe Chine s’impose avec son très dynamique P50i (lire programme cinquante ingénieurs chinois) qui, comme son nom ne l’indique pas, permet à plus de 80 étudiants chinois de devenir des élèves des grandes écoles de ParisTech. L’ENSAE est la seule école de ParisTech à avoir obtenu des bourses Eiffel pour chacun des élèves admis par le biais de ce programme. La prestigieuse école Malakoffiote accueille ainsi cette année 10 élèves chinois sur un total de 66 élèves étrangers représentant 25 pays, ce qui correspond à 1 Chinois pour 6,6 étrangers (ces statistiques à coups de morceaux de gens m’ont toujours laissé perplexe, souhaitons seulement que Miss Zéro-Virgule-Six se porte bien). Ces élèves passent par plusieurs filtres pour accéder à l’Ecole : tout d’abord, ils sont sélectionnés au sein des universités les plus prestigieuses (Pékin, Shanghai, Nankin) ; ensuite ils subissent des tests où les maths se taillent la part du tigre ; enfin un jury se réunit à Paris pour la décision finale. Etant donné la puissante attraction exercée par les USA, il est à remarquer qu’un seul admis à l’ENSAE sur cinq s’est désisté cette année. Les bras chargés de plaquettes de l’ENSAE et de l’Association des Anciens dans les deux langues, Philippe Février (98) et Romuald Elie (02) sont allés visiter les universités de Chicago, Stanford, New-York et Columbia. Grâce à cette mission, bien des obstacles administratifs élevés par certaines de ces universités ont été semble-t-il, aplanis.

Et l’avenir dans tout cela ?

Par le biais de ParisTech, l’ENSAE s’intéresse de près aux pays de l’Est, à l’Amérique Latine, en particulier le Brésil, et à l’Inde. Dans la mesure où les effectifs de l’ENSAE ne sauraient être démesurément gonflés (même lorsque nous aurons envahi le campus de Palaiseau), nous pourrons admettre quelques étudiants de ces contrées.

Autrice

Roland Bembaron, responsable des Enseignements de Langues et des Relations internationales

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