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N°26

Immobilier et Logement

01 janvier 2006
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Éditorial

« Nos valeurs font notre histoire », titrait la brochure glissée dans ma
boîte aux lettres malakoffiote pour célébrer quatre-vingts ans de «
gestion municipale progressiste et démocratique au service de la
population ». Passé par une école qui affiche fièrement son adresse dans
cette commune citoyenne, tandis qu'un institut national statistique
voisin préfère sombrer dans le vin pour ne pas quitter Paris, il faut
ensuite être à la hauteur de ces valeurs, et faire semblant de les
défendre. Une occasion : le référendum récent sur l'Europe. Pas le texte
soumis au vote, mais la campagne et plus particulièrement certains
éditoriaux, lus sous la plume d'anciens soixante-huitards d'un grand
quotidien national ou entendus sur une radio d'Etat.

Apparemment, il y a donc des gens qui pensent que fixer les règles du
jeu qui déterminent notre vie est une chose trop sérieuse et trop
complexe pour nous laisser voter dessus. Il y a des gens qui pensent que
l'éducation nationale, la presse et les hommes politiques n'y pourront
rien, les électeurs sont définitivement trop bêtes pour comprendre et
voter en raison sur le monde qu'ils vivent. Il y a des gens qui pensent
qu'il y avait 4,8 millions de xénophobes le 21 avril 2002 et 15,5
millions le 29 mai 2005 - progression inquiétante !

A ces gens là, rappelons que lorsque seul le « oui » est légitime à une
question posée aux électeurs, ce n'est pas une « votation », ni un «
référendum », c'est un « plébiscite », à la mode de Louis-Napoléon,
alias Napoléon III, pour rester entre Français. Rappelons que trois
républiques sont mortes de s'être confiées à une élite responsable et
raisonnable. Puis ce fut Waterloo, Sedan, Montoire. Rappelons, enfin,
que, sous les hypothèses usuelles de rationalité limitée, d'incertitude
sur l'avenir, de monétarisation des sentiments et de cupidité des
agents, si le vote de l'électeur est guidé par un intérêt personnel de
courte vue, c'est alors aussi le cas des choix de nos élites.

Actons donc le principe de la démocratie. Reste alors à l'organiser, le
sens du bien commun n'étant, lui, pas acquis, et les hypothèses
précédentes étant conservées. Question pour économistes : est-il
préférable de laisser le parti majoritaire payer ses électeurs par des
cadeaux législatifs, réglementaires et fiscaux tout en évitant les
réformes trop impopulaires à l'approche des élections, ou faut-il mieux
que l'Etat octroie des budgets conséquents aux partis politiques pour
que ceux-ci puissent, eux-mêmes, directement subventionner leurs
électeurs, avec droit de regard sur l'isoloir. A vos crayons !


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Labouchère est un bon coup Pierre Morichau (1967)