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20 septembre 2003

Consistance et mesure de la production audiovisuelle en France

Pour le statisticien du domaine, la mesure de la production audiovisuelle soulève un double problème: méthodologique de définition de la nature du flux à mesurer, et plus spécifiquement statistique de recherche des sources adéquates pour y parvenir.
S'agissant de biens immatériels, dont nous n'avons pas tellement l'habitude, ce n'est pas si simple et on a passé quelque temps à se demander en quoi consiste exactement la production de l'audiovisuel. Les solutions retenues résultent largement des réflexions et évaluations menées dans le cadre de l'exploitation de l'Enquête Annuelle d'Entreprise (EAE) ou de l'établissement d'un compte satellite de l'audiovisuel qui a été entrepris justement pour résoudre ce type de question.

QU'EST-CE QUE LA PRODUCTION AUDIOVISUELLE?

Selon les approximations de langage traditionnellement adoptées dans le domaine, la production audiovisuelle correspond à la production des programmes audiovisuels destinés à la télévision. Elle présente de nombreuses analogies avec la production cinématographique. Ses protagonistes se nomment d'ailleurs, comme les producteurs de cinéma, des "producteurs" et, comme la production cinématographique, elle se distingue en deux composantes et s'effectue presque toujours en collaboration sous forme de coproduction.

Comme le producteur de cinéma, le producteur audiovisuel rassemble les moyens financiers, techniques et artistiques nécessaires à la réalisation de son film, en assure la fabrication et en gère les droits. Mais là où le producteur de cinéma s'efforce de trouver de nombreux participants à son entreprise - généralement plusieurs autres producteurs qui seront ses partenaires, une ou plusieurs chaînes de télévision qui participeront au financement, un distributeur, etc. - le producteur audiovisuel se contentera le plus souvent de trouver une chaîne de télévision (exceptionnellement deux) qui coproduira et diffusera son oeuvre; ou encore, il travaillera directement sur commande d'une chaîne, avec celle-ci pour unique partenaire.

Si l'on s'intéresse aux entreprises de production qui produisent des programmes de "stock" (oeuvres de fiction uniques ou à épisodes, documentaires, films d'animation et plus généralement les oeuvres susceptibles d'être diffusées à plusieurs reprises) on peur dire en effet que leur activité est de deux natures.

Dans un premier temps est Fabriquée une oeuvre, constituée par un bien immatériel, que l'entreprise ne vend pas mais conserve en patrimoine, ou en "catalogue", sous la forme d'un actif incorporel. On a là affaire à une production pour compte propre, que les entreprises retracent dans, leur comptabilité en "production immobilisée" (PQ et qui constitue la production d’œuvres nouvelles.

Dans un second temps, qui peut être confondu avec-, voire antérieur au premier s'il s'agit du cas (Fréquent) de la "prévente", l'entreprise vend à une ou plusieurs chaînes le droit d'exploiter, c'est à dire de diffuser, l’œuvre en question un certain nombre de fois durant un certain nombre d'années.

Au terme de cette période, le droit de diffuser pourra théoriquement être vendu à nouveau à la même chaîne ou à une autre; éventuellement, le droit pourra aussi être vendu à un éditeur de vidéo, à des diffuseurs étrangers, etc. Ces ventes de droits, que le producteur espère naturellement les plus nombreuses possibles, font partie du chiffre d'affaires de l'entreprise et constituent elles aussi une production. Il s'agit cette fois d'une production de services à proprement parler, mais qui n'a pas de nom. Faute de mieux, on l'appellera "production de... services de production".

Ces deux composantes de la production audiovisuelle devront être estimées et suivies pour rendre compte de façon pertinente de l'activité du secteur. La PI (Production Immobilisée) sera, comme il est d'usage en comptabilité, évaluée à son coût de fabrication.
Toutefois, il est clair que la voleur d'actif d'une oeuvre dépend des perspectives de recettes qu'elle est susceptible de générer. il vu de soi que plus nombreuses sont les diffusions et rediffusions d'un programme, plus sa valeur d'actif diminue. Les producteurs, d'ailleurs, amortissent leurs actifs en portefeuille en fonction des recettes qu'ils enregistrent, selon un régime emprunté au cinéma. Or, la situation présente de l'audiovisuel est telle que, en réalité, les oeuvres n'ont que peu de chances de faire l'objet de nouvelles ventes, une fois la première exploitation réalisée; on décrit cette situation en disant qu'il n'y a pas, ou très peu, de "second marché" pour les programmes. Dans ces conditions, il peut paraître injustifié de comptabiliser en production à la fois la valeur de la vente de droit et la valeur de la Pl, puisque cette dernière est en fait plus virtuelle que réelle. Certes, il n'y a pas vraiment de double compte, mais négliger cette difficulté conduirait à fournir une image hypertrophiée de l'activité des entreprises audiovisuelles et des différents agrégats qui découlent de la production: valeur ajoutée, résultat d'exploitation, etc.

La solution retenue consiste à appliquer un amortissement tenant compte de la brièveté de la carrière moyenne réelle des programmes de télévision et permettant de calculer une production' nette qui sera plus significative.

En revanche, aucune difficulté conceptuelle particulière n'apparaît en ce qui concerne la production de programmes de "flux", c'est à dire des programmes destinés en principe à n'être diffusés qu'une seule fois: émissions d'information, jeux, retransmission d'évènements sportifs, etc. Produits sur commande de chaînes par des entreprises souvent spécialisées, lis sont directement vendus à leur commanditaire et ne donnent lieu chez les producteurs à aucune immobilisation. Leur production est alors simplement mesurée par le chiffre d'affaires correspondant. Les estimations statistiques
Nous disposons de trois sources pour essayer de chiffrer les deux composantes de la production de programmes de stock.

1. L'ENQUETE ANNUELLE D'ENTREPRISE (EAE) DANS LES SERVICES, RÉALISÉE PAR L’INSÉÉ.

À la demande des services statistiques du Service Juridique et Technique de l'information et de la communication (SJTI) et du Centre National du Cinéma (CNC), son échantillon a été renforcé dans les secteurs de l'audiovisuel et, depuis 1991, une enquête complémentaire, gérée par les deux services, a été ajoutée au tronc commun de l'INSÉÉ pour en détailler certains points. Malgré ces perfectionnements, les résultats restent difficilement utilisables en séries annuelles. Il faut ajouter qu'au niveau macro-économique l'enquête permet d'approcher la production audiovisuelle de deux manières: comme somme des recettes des entreprises de production et comme somme des achats de droits effectués par les chaînes. Cette dualité permet d'utiles recoupements mais, comme on peut s'y attendre, suscite d'épineuses confrontations.

Quant à l'estimation de la production immobilisée, elle est tributaire du mode d'enregistrement comptable utilisé par les entreprises pour retracer la réalisation en coproduction de cette PI. En l'absence d'un plan comptable professionnel qui n'existe pas encore dans l'audiovisuel, la comptabilisation de la PI est particulièrement complexe et fluctuante selon les entreprises.

Les résultats sont donc hétérogènes et au total sous﷓estimés. Un redressement d'environ 10 %, variable selon les années, a dû être opéré.
Enfin, les résultats de VEAE sont les seuls qu'on possède sur la production de programmes de flux qui n'est suivie par aucune statistique administrative.
Au terme de ces arbitrages et corrections, la production audiovisuelle brute totale, découlant de l'EAE, s'établit à environ 9.605 milliards de francs pour 1995, se décomposant comme suit:
﷓ production nouvelle d’œuvres immobilisées : 3 737 MF
﷓ production de services de production : 3 508 MF (Dont ventes et préventes aux chaînes françaises: 2 518 MF)
﷓ production de programmes de flux: 2 360 MF +

2. LE CNC GÈRE LE COMPTE DE SOUTIEN AUX INDUSTRIES DE PROGRAMME (COSIP) QUI ATTRIBUE DES AIDES À PRESQUE TOUTES LES ŒUVRES DE STOCK PRODUITES EN FRANCE.

Pour y accéder, les producteurs doivent obtenir un agrément d'investissement délivré sur la base d'un dossier indiquant notamment le coût de l’œuvre (devis total), son financement détaillé, et en particulier le montant de la participation prévue du ou des diffuseurs premiers acheteurs des droits. Le CNC publie annuellement le résultat de ces déclarations.
Pour 1995, la valeur totale des devis supportés par les producteurs français (correspondant à la production immobilisée) est de 4.672 MF. Elle est surestimée de 25% par rapport à PEAE, la surestimation des devis étant une caractéristique bien connue et explicable de ce type de déclaration. L'apport des diffuseurs (correspondant aux achats des chaînes) s'établit à 2.652 MF, assez proche du résultat de VEAE.

3. LE CONSEIL SUPÉRIEUR DE UAUDIOVISUEL (CSA) EST CHARGÉ DE FAIRE RESPECTER PAR LES CHAÎNES LEURS OBLIGATIONS RÉGLEMENTAIRES DE SOUTIEN À LA PRODUCTION AUDIOVISUELLE ORIGINALE.

À ce titre, ces dernières doivent souscrire chaque année une déclaration indiquant les programmes au financement desquels elles ont participé, leur coÛt total (devis, comme ci-dessus) et le montant de leur participation. Ce dernier ressort pour 1995 à 2.511 MF, somme qu'il faudrait probablement porter à quelque 2.700 MF pour tenir compte de l'absence de Canal+ dans cette statistique.

Il faut malheureusement reconnaître que l'accord qui semble se dégager entre ces sources en 1995 n'est pas systématiquement assuré chaque année. Les résultats des données administratives sont fortement influencés par les dates de prise en compte des éléments comptabilisés. D'où en particulier de grandes incertitudes pour apprécier les variations annuelles de la production. Au total, nous disposons aujourd'hui d'une statistique de la production à peu près d'aplomb, mais:
﷓ ces évaluations sont encore très largement estimatives;
﷓ des incertitudes sérieuses demeurent sur les évolutions annuelles, et l'on n'est toujours pas en mesure de distinguer volumes et prix;
﷓ L’EAE, qui forme le fondement le plus sûr de ces résultats, est une source tardive.

Des progrès sont encore à espérer grâce à la nouvelle génération de cette enquête et au développement du compte satellite de l'audiovisuel.

Petit dossier statistique sur la production audiovisuelle
valeur totale +% par an 1989
5 904 1990 6 840
+15,9%1991 7 919
- 15,8 1992 8 114
+2,5 1993 8 899
+9,71994 8 856
-0,5 1995 9 605
+ 8,5 Producteurs audiovisuels en 1995 : 640 entreprises, dont 170 spécialisées dans la production de flux.

Emploi total: 6400 salariés au 31 décembre 1995, dont 2.450 permanents, les autres étant des intermittents employés à la réalisation des oeuvres. Exportations, selon l'EAE: 5,7% du chiffre d'affaires. (Source: EAE, exploitation spécifique SJTI- CNC)

Pierre GREINER, (64) Premier Ministre, SJTI

Autrice

Pierre GREINER

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