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28 septembre 2003

Des conseils et des hommes

En ce jeudi d'août, je viens de terminer un rapport destiné au président d'une grande chaîne de télévision : il s'agit de l'aider à renouer les fils d'un dialogue social tombé en panne après des conflits douloureux. Ce matin nous mettions au point, pour la publication et pour Internet, une énorme étude financée par la Commission Européenne sur les problèmes d'emploi dans les banques et les compagnies d'assurance européennes. Hier nous aidions un grand groupe prédateur à rédiger la partie politique des ressources humaines de son offre dans un processus de privatisation d'une grande entreprise publique. Nous aidons plusieurs dizaines d'entreprises à mettre en place les 35 heures, d'autres à négocier des conventions collectives. Ailleurs, nous formons une équipe de direction d'un grand groupe au management des ressources humaines. Nous participons à de douloureuses restructurations d~ un côté, à la gestion sociale de croissances trop rapides de l'autre. Nous installons en Russie le nouveau système de retraites, en Roumanie une agence pour l'emploi.

J'en passe bien sûr : voilà ce qu'est le métier de consultant en " management des ressources humaines et ingénierie sociale ". Nous sommes une cinquantaine de consultants, qui sévissons en France et à l'étranger.

Petit à petit, au fur et à mesure que les innovations technologiques en matière d'information et de communication bouleversent les entreprises, et au moment où la mondialisation transforme les données économiques, les dirigeants découvrent ce qu'ils s'étaient permis d'oublier dans les années 50, 60, ou 70: les entreprises ne fonctionnent que si les salariés le veulent bien.

Aujourd'hui, l'entreprise qui réussit est celle qui parvient le mieux à Faire émerger de la collectivité des hommes et femmes qui travaillent pour elle de vraies innovations.

La compétitivité tient certes aux coûts, mais elle tient plus encore à la capacité d'innovation qui marche et ce , e qui a été conçue collectivement.

Le management des ressources humaines au niveau de l'entreprise est devenu essentiel : il a besoin de conseils. Mais cette gestion de l'entreprise se fait trop souvent au détriment de la société. Pour une raison bien simple : si la réussite de l'entreprise tient à la qualité du groupe humain qui la constitue, le chef d'entreprise n'aura de cesse que de se débarrasser de ceux qui s'intègrent mal à ce groupe, soit qu'ils aient peu de qualifications - mais là n'est pas



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Figure n°1 :


l'essentiel - soit qu’ils aient un comportement de mode de relations qui ne s'adapte pas au système.

Voilà pourquoi l'entreprise, aujourd'hui, ne cesse de rejeter ou de s'abstenir d'embaucher des hommes et des femmes lui vont grossir le flot u chômage ou doivent se contenter de il "petits boulots " hors des circuits économiques moteurs. Voilà pourquoi des salaires % plus en plus élevés et des situations de plus en plus précaires coexistent.

Dès lors, nous avons, nous conseils et consultants, un autre problème à traiter : quelle politique de l'emploi ? Quelle politique de formation ? Quelle politique sociale pour que ce jeu de l'entreprise moderne ne casse pas la société ? Comme le déclarait récemment Lionel Jospin : oui à l'économie de marché, non à la société de marché. Mais ce n'est pas si simple : c'est moins le marché que les conséquences des nouvelles technologies qui entraînent cette cassure.
Bernard Brunhes Consultants et ses filiales essaient de vivre dans cette tension. Nous aidons et conseillons les entreprises mais pas à n'importe quelles conditions. Nous pensons qu'une réduction d'effectif doit s'accompagner d'un effort important pour résoudre tous les problèmes humains (pas seulement pour faire plaisir à l'inspecteur du travail). Nous pensons que, même si les syndicats français sont divisés et malades, les employeurs leur doivent un plein respect, et réciproquement. Nous pensons qu'il fait partie de l'activité normale du chef d'entreprise que de participer à son environnement.

Un collègue japonais présentait récemment devant nous le thème des 6 S (des 6 satisfactions). L'entreprise qui veut réussir doit satisfaire si catégories d'acteurs. Dans l'ordre

1 . les clients

2. les managers

3 . le personnel

4. l'environnement socio﷓politique

5. l'écologie

6. les média internationaux.

On est loin de l'image simpliste du " tout client ". On sait que Perrier a failli mourir de quelques gouttes de benzène dans une bouteille américaine, que l'accident de Challenger a fait perdre plusieurs années de crédit à la Nasa, que lorsque les managers perdent foi, l'entreprise se meurt.

Il n'y a donc peut-être pas contradiction mais simplement tension entre les différents partenariats de l'entreprise.

A nous conseils d'entreprise – pour ce qui me concerne, conseils en management



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Figure n°2 :


des ressources humaines – d’aider le chef d'entreprise à utiliser les tensions pour mieux en bénéficier, comme un pont suspendu ou une voûte romane tiennent par des tensions ou des pressions contraires, plutôt que d’ignorer ces tensions et le se contenter de répondre au premier degré aux commandes des clients (Monsieur le consultant, j'ai besoin de virer 200 personnes de mon usine de Romorantin, voulez﷓vous m'aider ? Non, reprenons en amont, examinons la stratégie, les solutions... et étudions ensemble la solution qui respecte au mieux à la fois la compétitivité, l'environnement, les hommes ... ).

Engagé souvent avec des financiers et des banquiers dans le conseil des entreprise dans des opérations de fusion ou d’absorption, dont nous traitons les aspect humains et sociaux, je m’entent parfois dire par nos collègues : " Finalement la finance c'est plus simple que le social, ta technicité est plus pointue que la mienne ". Peut être.

Mes collègues de Bernard Brunhes Consultants naviguent de la SNCF à Disneyland, de la Caisse des dépôts à IBM, de la Lyonnaise des Eaux à un petit entrepreneur de bâtiment dans 'Isère. Partout, au fond, les mêmes problèmes dans ce pays qui a du mal, en dehors des finales de Coupe du monde de football, à s'accepter tel qu'il est et à reconnaître derrière les tensions un destin commun, il faut constamment des médiateurs, des conseils pour aider les uns à comprendre les autres, des traducteurs du social, parce que chacun croît que l'autre va le duper. Nous n'avons pas beaucoup d'équivalents à l'étranger, de consultants spécialisés exclusivement dans les problèmes de manage ment des hommes et d'ingénierie sociale. Ailleurs, c'est peut être plus simple !

En dix ans, l'équipe est passée de 1 à 50 consultants. Si la progression est géométrique, nous serons 2500 dans 10 ans ; mais j'en doute : la gestion du social tient de la haute couture, pas du prêt à porter. Nous resterons des artisans.

En attendant nous recrutons. Le lecteur de cet article qui a eu le courage de me suivre jusqu'ici me paraît assez mordu pour être un candidat intéressant à un emploi de consultant en management des ressources humaines et en ingénierie sociale : il faut des économistes et des hommes ou femmes de chiffres au moins autant que des sociologues, des ingénieurs ou des juristes.

Bernard Brunhes, ENSAE 63 Président,
Bernard Brunhes Consultants

Autrice

Bernard Brunhes

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