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28 septembre 2003

Quels indicateurs des aspects humains du management?

Tout d'abord, avant de rentrer dans le vif du sujet, il me semble nécessaire de limiter attente du lecteur. Je ne prétends en aucune manière que mes remarques et mes observations sont lois et universelles. Elles sont le fruit de plusieurs années de conseil dans ce domaine et certainement largement influencées par les partenaires avec lesquelles la plupart des points exposé ci-dessous ont été abordée. La taille des structures pour lesquelles ces approches sont aujourd'hui mises en place (entre 1000 et 400000 personnes) est sans aucun doute un des éléments déterminants de la réflexion que le propose.

Je rappelle souvent aux dirigeants des entreprises que je rencontre, que rien ne remplace jamais ce que les américains appellent MBWA (Management By Walking Around), dire bonjour à ces collaborateurs, savoir les écouter et non pas seulement les entendre n'est ce pas finalement tout l'art...

Enfin, j'insiste ici sur des aspects pratiques des démarches plus que sur les concepts, souvent encore débats de sociologues, ayant du mal à pénétrer le monde industriel.

Le modèle ci-dessous résume les aspects que cet article aborde.

Le processus de management des hommes

1. Dans un premier temps, il apparaît souvent nécessaire de bien définir les activités de gestion des hommes que les cadres sont amenés à conduire, celles-ci diffèrent souvent d'un environnement à un autre et d'un niveau hiérarchique à un autre...

2. Il devient dès lors très important de fixer les exigences de l'organisation sur ces aspects humains. Il s'agit souvent de résultats observables ou encore de niveaux de performance que le management doit générer, si ce processus se veut efficace.

3. Ensuite, il convient d'établir un système de mesure permettant de vérifier que les managers à la fois individuellement et dans leur ensemble atteignent ces exigences.

4. Si les indicateurs mis en place démontrent que les objectifs ne sont pas atteints, il faut entreprendre les actions nécessaires pour combler l'écart ainsi dévoilé.

5. Ce type d'analyse permet de focaliser l'attention sur les aspects de formation, de développement, d'organisation, de sélection, et enfin de coaching" que nous devons aborder pour rendre nos managers plus efficaces. Chacune de ces activités est en elle-même un processus qui va nécessiter définitions, objectifs, systèmes de mesure. Le but est d'optimiser l'ensemble, L’idéal étant de rendre chaque sous processus efficace.

Peu nombreux sont les interlocuteurs qui ne m'ont pas décrit un tel modèle de fonctionnement, légèrement il faut bien l’avouer, digne de Georges Orwell. Il est également, il faut le reconnaître, très inquiétant de croire que l'on peut réduire les aspects totalement imprévisibles du comportement humain à une espèce de processus mécanique. Toutefois, je n'ai pas rencontré d'entreprise où ce modèle fonctionne sans heurts ni soubresauts. Voilà bien le challenge auquel nous sommes tous confrontés.

Je m'intéresse ici aux aspects de mesure de la performance "humaine" de nos managers, et aux difficultés à mettre en place un outil unique dans différents pays européens ou même plus prosaïquement au sein de différentes fonctions. Je n'aborde donc pas les première et dernière parties du processus que je viens de décrire.

un modèle commun à plusieurs groupes multinationaux

La plupart de mes clients européens ont finalement développé une approche où les "activités de gestion humaine" des managers s'intègrent dans le concept relativement vaste du modèle bien connu de Maslow et sa hiérarchie des besoins individuels.

Tous ont développé des systèmes d'évaluation de la performance des managers à tous les niveaux de l'organisation. Tous font finalement le constat qu'il y aura une meilleure productivité et une plus grande motivation si les besoins individuels des employés sont satisfaits (belle phrase de La Palice ... )

1 . Tous ont finalement choisi de garantir à leur employé un emploi, tant qu'ils atteignent leurs objectifs.

2. D'où la nécessité d'un recrutement rigoureux et une politique de promotion interne motivante.

3. Un des pendants d'une telle politique est un engagement visible sur la formation permanente seule garantie de la réactivité dans les environnements de haute technologie où nous évoluons aujourd'hui.

4. Pour répercuter de telles stratégies, il faut un engagement fort du management (des ratios d'encadrement de 1 : 10), et un encouragement à la participation forte des employés.

5. Un soin tout particulier doit souvent être accordé aux conditions de travail et d'environnement.

Afin de rendre de tels systèmes efficaces et d'éviter qu'ils ne deviennent trop rigides ou encore ne produisent des systèmes sociaux trop cloisonnés, de nombreuses activités de surveillance ont été mises en place.

Les entreprises au cours des vingt dernières années ont développé de nombreux programmes: procédure d'appel au management supérieur, boite à idées, réunion de directeurs avec leurs collaborateurs les plus éloignés dans la hiérarchie, cercle de qualité...

L'un des programmes les plus efficaces est la conduite d'une enquête interne associée à un "reporting" structuré.

L'une des nombreuses difficultés rencontrées lors de la mise en place d'un tel outil est aujourd'hui de le déconnecter de l'enquête de "climat social" bien connu de bien des entreprises, sorte d'état des lieux global de l'organisation réservé aux dirigeants.

Le choix fait ici est d'interroger régulièrement, tous les employés d'une entreprise, quelque soit leur fonction ou leur position dans la hiérarchie. Ils sont encouragés à participer sous une forme complètement anonyme et volontaire à une enquête de satisfaction.

1 . Les réponses à des questions à choix multiples sont associées à un minimum de données socio﷓démographiques (âge, sexe etc.) permettant des analyses détaillées.

2. Les données sont dépouillés pour chaque unité de management (au moins 8 employés), consolidés ensuite par département, division, sites, pays, fonction etc... Les commentaires écrits ne sont eux dépouillés que par division.

3. Les résultats ne sont en fait que des éléments secondaires. Le but est de stimuler la réflexion de tous les managers à tous les niveaux afin d'engager des actions concrètes sur les points de non satisfaction au sein de leur propre équipe.

4. Les plans d'action sont consolidés et mis en place par chaque niveau d’encadrement, les améliorations (ou non) sont soigneusement testées à l'occasion de chaque cycle d'enquête.

5. Si les résultats ont une signification concrète pour chaque unité de management aussi petite soit elle, ils prennent une résonance stratégique quand des entités larges sont suivies dans le temps.

6. Certaines entreprises ont démarré ce processus depuis le début des années 60, disposent d'une richesse d'information inégalée permettant le développement d'indicateurs de pilotage.

La mise en évidence de la complexité des facteurs culturels et sociaux influençant la satisfaction (travaux de Geert Hofstede, Herzberg et Laurent) a souvent provoqué pour leurs dirigeants la prise de conscience qu'ils n'existaient pas un modèle unique et que chaque pays ou même fonction nécessitait une approche spécifique.

7. Quelques exemples de question:
Dans l'ensemble, êtes-vous satisfait d’être employé à XYZ, actuellement?
Etes﷓vous satisfait du service que XYZ offre à ses clients?
Que pensez-vous de la manière dont XYZ respecte ses employés?
J'ai suffisamment d'occasions au sein de mon service, Cie participer à la définition et à la résolution de problèmes concernant le travail.
Comment évaluez-vous l'efficacité dans le travail des encadrant de l'unité opérationnelle à laquelle vous appartenez? Etes-vous satisfait de la manière dont XYZ encourage ses employés à prendre des initiatives ou des responsabilités? Que pensez-vous de votre rémunération compte tenu de vos tâches et de vos A responsabilités?
8. Ne pas noyer le manager sous un flot de données supplémentaires a été l'enjeux des années 90. Les principaux travaux de recherche conduit sur ces données ont permis de construire après une série d'analyse factorielle des indicateurs spécifiques à chaque entreprise (assemblage de questions) qui synthétise pour chaque niveau d'encadrement les perceptions des employés

9. Pour éviter une trop grande dispersion des efforts, certaines entreprises choisissent, après avoir défini les responsabilité et les enjeux en terme humain de chaque niveau de hiérarchie de développer des matrices d'analyse spécifiques à chaque niveau d'encadrement.

10. Les résultats forcent souvent le management à ajuster leurs programmes de formation et à engager des actions visant à réduire les charges de travail, réduire les tâches non nécessaires, renforcer la prise en compte de la créativité d'un groupe, mieux présenter les systèmes d'évaluation, de salaire etc...

11 . Il y a dans ces questionnaires un ensemble de facteurs que les chercheurs jugent indispensables pour maintenir la cohérence d'ensemble et autoriser les comparaisons intergroupe. Toutefois dans des systèmes bien "huilés", il n'est pas rare de voir certaines unités développer des questions leur permettant d'ajuster leurs plans d'action d'un cycle à un autre.

1. Un inventaire des activités de management

Les entreprises que j'ai rencontrées sur ce thème ont toutes leur propre liste - il n'y a pas de liste-kit universelle -. Ainsi un DRH m'avait présenté un inventaire de 160 activités regroupées en plus de vingt sous﷓groupes absolument nécessaires pour un cadre. Même s'il apparaissait clairement qu'il s'agissait du compendium le plus détaillé des vertus du manager, il était loin d'être évident que nous pourrions tout évaluer. Une analyse plus détaillée a d'ailleurs mis en évidence que sur certains de ces facteurs imaginer un plan de formation relevait de l'utopie. De la même manière certains des concepts de management ainsi dévoilés ne pouvaient s'acquérir que par une longue période d'apprentissage étalée sur plusieurs années.

L'un des principaux enseignements de tous les systèmes de mesure de performance du management est d'ailleurs aujourd'hui (voir Mc Ber) que l'efficacité est engendrée par une sélection rigoureuse, et que la formation au jour le jour qu'ils reçoivent de leurs pairs ou supérieurs est sans doute la meilleure des formations. Certains gourous américains estiment d'ailleurs que seulement 20% de l'amélioration des performances d'un manager est due à des formations spécifiques.

2. Un panel d'indicateurs de satisfaction.

Il existe bien des indicateurs que nous pouvons utiliser au jour le jour pour enrichir nos mesures de l'efficacité du management:

• départs et rotations ("turnover") importants de certaines catégories d'employés

• proposition des programmes boîte à idées ou programme de suggestion

• taux d'absentéisme élevés, réclamations individuelles ou collectives que les enquêtes d'opinion n'ont pas mis en évidence ou non pas permis de régler

• question sur certains choix stratégiques via les institutions paritaires.

C'est cet ensemble associé aux enquêtes d'opinion internes qui permet d'évaluer les niveaux de satisfaction des employés.

Reste un problème essentiel: mesurer est un premier pas, mais peut-on améliorer indéfiniment...

3. Fixer des objectifs de satisfaction.

Comme je l'ai déjà dit pour évaluer l'efficacité de nos managers, l'un des outils les plus efficaces est bien la mesure de la satisfaction des employés sur tel ou tel facteur. Mais quel niveau de satisfaction souhaitons nous obtenir?

Pour reprendre le jargon des qualiticiens souvent utilisé dans les cercles de qualité: qu'est ce que le zéro défaut? Est﷓ce 100% de satisfaits, 75%, 50%, 40%? Doit﷓on vraiment espérer que 100% de nos employés seront satisfait de leur salaire?

Certains de mes collègues américains m'avaient presque convaincu que si tous les managers savaient expliquer les tenants et aboutissants d'une structure salariale et à certains de leurs employés les raisons de leur niveau de salaire, tout le monde serait satisfait. Mon expérience m'a montré que quelque soit le talent et le charisme des managers, ils ne pourront jamais convaincre tout le monde tout le temps. Il y a un prix à la satisfaction.

Nous voilà donc ramené à ma première question, quelles sont les objectifs de satisfaction si ce n'est pas 100%.

Il existe sans doute des niveaux de satisfaction optimaux, mais ceux-ci sont fortement influencés par les cultures, la position hiérarchique, l'âge, le succès de l'entreprise, l'implication dans le développement de l'organisation.

4. Un exemple: des normes nationales.

Approfondissons le sujet que je viens d'aborder via un exemple sans grande conséquence. Question traditionnelle: "Etes-vous satisfait de la part que votre activité professionnelle laisse à votre vie privée?"

Il existe des différences importantes sur les niveaux de réponse de nos déférentes populations interrogées.

Il y a certes des influences notables dues aux tailles des populations concernées (filiale de 200 personnes en Grèce contre quelques milliers en Allemagne par exemple). Mais il est troublant de constater les différences de niveaux qui groupent les pays méditerranéens au bas de cet échelle et les pays à forte culture protestante en haut (voir travaux de Fons Trompenaars).
De ces travaux récents, l'idée est née de fixer des normes, sorte de niveaux acceptables pour chaque culture ou fonction sur chaque Facteur mesuré. D'évaluer les progrès et les détériorations en utilisant des systèmes de contrôles traditionnels dans l'industrie.

5. Fixer des intervalles de confiance.

Ne s'intéresser qu'aux problèmes, ne plus se focaliser sur les valeurs n'est évidemment possible qu'après un long travail de modélisation des comportements qui permet de s'assurer de la cohérence des procédures d'évaluation mises en place.

Conclusion

Le but de cet article était de présenter un aspect très anglo﷓saxon de l'approche du management. Peu d'entreprises ont choisi de rajouter aux nombreux outils de management cette approche relativement lourde et chiffrée de la performance du management (les "intervalles de confiance"). Nombreuses pourtant sont celles qui ont développé la mise en place d'une enquête interne associée à un reporting structuré, et nombreuses sont celles qui se posent la question de la synthèse de l'information ainsi disponible.

Le développement de nouveaux choix d'organisation a accéléré sur les cinq dernières années la mise en place de tels outils:

1 Modèle Européen ou Français de la qualité (EFQM, MFQ), pour parler de qualité de gestion des hommes associer à performance de l'entreprise.

2. Structure d'organisation en cellules, peu de niveaux hiérarchiques intermédiaires, des équipes plus mobiles, organisées en projet, plus réactives où les aspects humains deviennent primordiaux pour une efficacité plus grande.

3. Évaluation non plus individuelle mais par équipe, augmentation non plus au mérite individuel mais à la performance de l'équipe.

Tous ces choix et les outils de mesure qu'ils ont imposés ont d'ailleurs provoqué la très forte prise de conscience que le développement d'un budget formation est souvent une des clés stratégiques de la compétitivité d'une entreprise.

On peut certes se poser la question du coût et de la nécessité de se déplacer aujourd'hui vers la mise en place de tels outils.

Valoriser l'aspect humain du travail reste pourtant une des clés de la réussite.

Philippe Mouttou, ENSAE 85 Directeur, Habershon & Associates Lfd pmu@HabershonAssociates.Ltd.uk

1 F Herzberg One more time:How do you motivate employée (Harvard Business Review)
G. Hofstede Cultural conséquences
A. Laurent Organizational Behaviour (INSEAD)
A. Maslow Motivation and Personality
E Trompenaars Riding the waves of culture. EFQM (European Foundation for Quality Management)

Principaux facteurs clés de ce processus

1 . Un rendu des résultats par consolidation du bas vers le haut de l'organisation.

2. Une analyse, des plans d'action.

3. Des comparaisons entre pays, entre fonctions.

4. Une analyse des facteurs externes et des systèmes de valeurs influençant l'opinion.

5. Le développement d'indicateurs de satisfaction du management.

6. Les enjeux des employés vers leur satisfaction.

7. L’évaluation des besoins en formation.

8. Un regard et un soin macro et microscopique.

Autrice

Philippe Mouttou

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