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18 septembre 2003

Pierre-François Kettier (Ensae 84)

Acteur et metteur en scène


Pouvez-vous nous retracer votre parcours

Avant de partir en coopération au Rwanda pour deux ans, j'ai passé trois mois dans une école de théâtre. Je terminais ma troisième année de l'Ensae; je venais de découvrir le théâtre. La coopération, par sa durée, me permettait une réflexion approfondie sur mon avenir.
A Kigali, j'ai eu la chance de rencontrer le directeur du centre culturel franco-rwandais, de travailler avec lui, de monter deux spectacles, et d'y organiser un festival du rire. Cela se faisait parallèlement à mon travail de coopérant à l'Institut Africain et Mauricien de Staistique et d'Économie Appliquée.
A mon retour d'Afrique, j'ai travaillé six mois à mi-temps pour la direction des études et recherches d'EDF avant d'avoir mon premier contrat en tant qu'acteur.
J'ai d'ailleurs continué- jusqu'à il y a trois ans - d'être statisticien -économiste un mois par an, davantage pour me « recentrer » que pour en vivre.

Aviez-vous déjà une pratique théâtrale ?

J'avais vu une pièce réalisée par des professionnels. J'en avais aimé le texte mais pas la mise en scène. Je l'ai monté à l'Ensae avec d'autres élèves, créant le premieratelierthéâtre au sein de l'École. J'ai alors découvert, grâce à un ami professionnel, que le théâtre était un métier, qui nécessitait donc un travail en profondeur. Je dois vous dire que cet atelier existe toujours, et que j'en assure les cours depuis trois ans.

Quels ont été vos débuts au théâtre?

Pour travailler, il faut rencontrer des gens qui travaillent. J'ai donc passé une audition pour entrer à l' «actor studio » dirigé par Blanche Salant au Centre Américain où venaient s'entraîner les professionnels.
Dès mai 87, je suis parti en tournée avec les « baladins en Agenais » dirigés par Roger Louret. J'ai eu la chance d'enchaîner avec Les Mains Sales, de Sartre, mis en scène par Pierre-Etienne Heymann. J'avais un petit rôle, mais la confrontation avec des acteurs ayant fait tous le Conservatoire ou l'école du TNS m'a beaucoup appris.
Ces dernière années, j'ai aimé jouer dans Le Roi Lear, de Shakespeare, ainsi que dans une adaptation d'Adolphe de Benjamin Constant.
J'ai réalisé ma passion, mais je me suis rendu compte progressivement que je voulais aussi écrire et mettre en scène.

Vous avez cependant continué votre formation?

Oui, avec d'autres comédiens aux parcours atypiques. J'ai travaillé pendant deux ans avec Alain Ollivier, un acteur metteur en scène d'une générosité et d'une rigueur remarquables. Nous avons travaillé essentiellement sur la forme dans le répertoire classique.

Vous disiez que vous vouliez aussi être auteur?

Dans ce métier, l'inconnu du lendemain est une constante. Au lieu d'attendre des appels hypothétiques, j'ai travaillé sur des scénarios. il y a deux ans, la ville de Cognac m'a contacté pour écrire deux expositions-spectacles dans le cadre d'une manifestation:



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Figure n°1 : Pierre-François Kettier


« la ruée vers le livre ». J'y ai fait un travail d'éveil aux sens, de sensibilisation au théâtre, auprès d'un public de Rmistes et chômeurs en fin de droit, dans le cadre d'un stage de réinsertion.
J'ai aussi traduit Deirdre des Douleurs, de J.M. Synge, auteur irlandais du début du siècle. Cette pièce a été publiée aux éditions Artus, et diffusée sur France-Culture.

Quel est votre métier de metteur en scène?

En 1991, j'ai créé ma compagnie, « les Enfants du Paradis ». J'ai alors mis en scène un camarade qui avait préparé un spectacle poétique: Théodore de Banville. En 1992, j'ai organisé une journée consacrée à J.M. Synge, où j'ai mis en scène Les Noces du Romano, que j'avais traduit pour l'occasion, et dirigé une lecture de Deirdre des Douleurs. En 93, c'était « la ruée vers le livre », dont je vous ai parlé, avec les deux expositions-spectacles, l'une dans une « maison de la poésie » habitée par la « famille Dupanard », l'autre sur un toit de la ville pourvoir et entendre ce à quoi sert la poésie...
Cette année, je joue « La Liberté ou l'Amour», un rêve autour de l’œuvre de Robert Desnos.

Quel est votre pratique de formateur?

Je travaille depuis quatre ans, dans le cadre d'un atelier de pratique artistique, avec des collégiens, sur la sensibilisation aux textes. Le théâtre naît avant tout de la parole d'un poète, qu'il se nomme Shakespeare, Claudel, ou Beckett. Du texte vont jaillir la vie et les autres dimensions. Le travail de l'acteur permet à chacun de découvrir ses mystères, sa richesse intérieure, son unicité, et de travailler son imaginaire.
Ma pratique de formateur consiste à sensibiliser, à donner le goût du théâtre, puisque c'est un lieu où l'on peut échanger, rencontrer, s'exprimer, jouer,...
A l'Ensae, je fais un travail de formation, maisaussi un travail de mise en scène et de direction d'acteurs, puisqu'une pièce est montée chaque année. En juin, c'était les Bacchantes d'Euripide, que j'avais d'ailleurs adapté pour l'occasion.
Cet atelier pourrait aussi toucher les anciens élèves, par les exercices d'expression orale ou physique, et permettrait une rencontre entre jeunes et anciens.

Quels sont vos pôles d'intérêt?

Ce qui m'attire le plus dans l'Art, c'est le seuil entre rêve et réalité. J'aime les moments de « dérapages », quand l'imprévu surgit, et surprend.
J'aime la simplicité de la langue de Synge, qui s'inspirait du langage des pécheurs et paysans gaéliques, parce que le merveilleux y est souvent présent. Hugo m'attire par sa dimension et son côté visionnaire; Torquemada, une pièce sur le totalitarisme et les déviances de l'amour, est complètement d'actualité. Je suis pour un théâtre de la mise en exergue des contradictions.
Je considère que le théâtre est un art, mais aussi un artisanat, un travail de « passeur», un art du quotidien, éphémère et sublime, qui naît de la rencontre entre un texte et des hommes.

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