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18 octobre 2010

L'organisation de la recherche en finance et assurance

Publié par Christian Gouriéroux (1972) et Jean-Michel Zakoian (1985), Responsables du laboratoire de finance-assurance du CREST | N° 38 - Variances 38

Christian Gouriéroux et Jean-Michel Zakoian décrivent dans cet article l’ensemble du parcours d’un chercheur en finance: ils reviennent sur le rôle de la thèse, les mécanismes de sélection des chercheurs par les universités et les diverses formes que prennent les travaux de recherche, académiques ou non. Ils abordent ensuite la question du mode de diffusion de ces travaux, et nous montrent qu’une charge d’enseignement, si elle reste limitée, est loin de nuire à l’activité de recherche.

Il est très difficile de définir précisément ce qu’est la recherche dans des domaines tels que la finance et l’assurance, liés à des secteurs de service. En revanche, la description de son mode de fonctionnement permet de mieux cerner ce qui est attendu. De ce point de vue, la recherche en Finance- Assurance ne se distingue pas de la recherche en économie ou en statistique. Nous présentons ci-dessous quelques-unes de ses caractéristiques en insistant sur le système anglo-saxon, dont tend à se rapprocher le système européen.

La thèse: un apprentissage de la recherche et un diplôme

L’idée du chercheur autodidacte, qui a pu exister dans le passé, est tout à fait dépassée. Avoir suivi une très bonne école, en être sorti avec des notes éblouissantes ne fait pas de l’étudiant un chercheur. Un chercheur doit être capable de rassembler et surtout structurer l’information utile à sa recherche, de prendre du recul par rapport à son problème, de détecter les aspects nouveaux qui pourraient être développés avec quelques chances de succès, de diffuser convenablement ses résultats. Gérer convenablement l’information pour faire apparaître les aspects de fond s’apprend. La première étape de cet apprentissage s’effectue principalement lors de la préparation de la thèse.

La durée de préparation d’une thèse est de l’ordre de 3 à 4 ans. Dans le système anglo-saxon, la première année de PhD (équivalente au M2 français) est essentiellement une année de cours spécialisés. La seconde année inclut normalement au premier semestre des cours avancés (les cours OFPR du CREST, ou les cours Bachelier jouent un rôle équivalent en France), puis la rédaction d’un mémoire assez approfondi, correspondant à la phase de lecture et de compréhension de la littérature. Le travail de recherche lui-même commence ensuite et dure un an et demi à deux ans, la dernière phase de rédaction prenant au moins 6 mois à temps plein. Pour être validée, une thèse doit franchir plusieurs étapes, notamment l’accord du directeur pour l’autorisation de soutenance, l’accord de deux rapporteurs extérieurs lisant en détail cette thèse, celui enfin du jury à la suite de la soutenance orale. Cette étape de validation prend de 2 à 3 mois, mais dans un nombre significatif de cas peut conduire à une demande de réécriture complète, ou plus rarement à arrêter le travail de thèse.

En France, la thèse est un diplôme national, mais ce n’est généralement pas le cas dans les autres pays, la thèse étant le plus souvent labellisée par l’université où elle est soutenue. Les thèses en finance n’existent pas en tant que telles dans les systèmes universitaires français ou étrangers. Les doctorants en Finance sont donc inscrits en mathématique, en gestion, ou en économie. En revanche, il peut exister dans certains pays des thèses en actuariat. Dans les autres pays incluant la France, elles sont soutenues comme thèse de statistique. Pour un jeune chercheur, la thèse est le diplôme nécessaire pour pouvoir « candidater » sur un premier poste académique, ou dans un organisme de recherche public ou privé de bon niveau.

Dans le système international de type anglosaxon, la thèse doit déboucher sur un « job market paper », c’est-à-dire un papier de recherche servant à faire acte de candidature sur les postes de professeur assistant. Dans les meilleurs des cas, ce papier est déjà soumis à une revue, mais n’est pas encore publié du fait des délais en la matière. La thèse peut éventuellement inclure un ou deux autres papiers de recherche, mais un seul d’entre eux est mis en avant. Savoir si ces papiers peuvent être ou non co-signés, généralement avec le directeur de thèse ou un autre chercheur ou étudiant travaillant sur le même thème, reste en débat : une co-signature pourrait cacher le niveau trop faible de l’étudiant, mais apprendre à travailler en groupe fait partie de la formation à la recherche. Dans certaines matières comme la médecine, l’agronomie, la physique, les papiers sont très souvent co-signés par 5 ou 7 personnes pour bien mettre en évidence l’effet de laboratoire. En finance, la pratique est plutôt de ne pas co-signer, sauf si l’étudiant est de très bon niveau, la signature d’un co-auteur renommé valant alors label de qualité.

Le marché du travail

Une fois la thèse validée vient le temps de l’insertion dans le « job market ». La différence est grande entre les systèmes français et anglo-saxon en matière de recrutement des thésards.

Aux Etats-Unis, les universités, privées ou publiques, mais aussi les entreprises sont en compétition permanente pour recruter les meilleurs thésards. Le recrutement mobilise 5 à 6 membres d’un département universitaire ou d’un service d’une entreprise durant plusieurs semaines. Un premier tri est effectué à partir des sites internet de candidatures et certains candidats, titulaires d’un PhD ou en fin de thèse, sont invités à un premier entretien d’embauche à l’occasion d’un « job market ». Il existe des « job markets » pour les diverses matières (2 en gestion, 1 en économie aux USA et 1 en économie au Canada), qui ont lieu chaque année autour de décembre-janvier dans des villes différentes. Parmi les candidats auditionnés, les plus convaincants sont alors invités à passer une journée dans l’université ou dans l’entreprise afin de présenter leurs travaux lors d’un séminaire et de rencontrer les membres du département ou du service de l’entreprise. Cette deuxième étape a lieu entre janvier et mars. Environ un mois plus tard, l’université fera en séquence des offres au candidat qu’elle souhaite recruter. Pour convaincre les candidats les plus brillants de les rejoindre, les universités adapteront leur offre autant que possible. L’existence d’un marché commun aux universités et aux entreprises explique que les écarts de salaires pour les jeunes thésards soient assez limités dans le domaine de la finance (de l’ordre de 25 % en moyenne en faveur des salaires en entreprise).

Le recruté ne sera pas nommé professeur à vie, mais aura un contrat généralement de 6 ans, assorti du titre d’« assistant professor » avec « tenure track » (titularisation conditionnelle). À la fin de cette période, sa recherche et son enseignement seront évalués, de même que sa capacité à obtenir des crédits de recherche. Des évaluations intermédiaires sont effectuées au bout de 4 ou 5 ans pour informer le candidat de ses chances de titularisation. Des professeurs extérieurs à l’université, généralement étrangers, sont sollicités pour l’évaluation. À la fin de la période de « tenure track », ou avant si le candidat le souhaite, sa promotion au rang d’ « associate professor » (qui garantit l’emploi à vie) est soumise au vote du département. Environ 50 % des « tenure tracks » se terminent par un refus de titularisation. Les candidats ayant échoué se tournent alors vers les entreprises, où leur compétence en matière de recherche est appréciée, ou entament une seconde période de « tenure track » dans une université moins prestigieuse. Certains très bons départements sont connus pour ne pratiquement jamais accorder la « permanence », afin d’inciter les jeunes chercheurs à la mobilité; les candidats le savent d’avance, et vont candidater directement sur une « permanence » dans une autre université.

En France, la procédure de recrutement est en principe plus légère qu’aux USA. Les universités ne sont pas mobilisées durant de longues semaines. Cette différence s’explique par :

• l’existence d’un filtre, au niveau national, qui permet d’éliminer les candidats n’ayant pas le niveau minimum requis. Aux USA ou au Canada, ce filtre est à la charge de chaque université et typiquement, 100 ou 150 dossiers doivent être examinés en quelques jours. Ceci a pour effet de privilégier les thésards provenant des universités les plus réputées, quitte à les rejeter après, au moment de la décision de titularisation,

• le fait qu’en France les postulants ont souvent eu l’occasion de présenter leurs travaux lors de séminaires ou congrès. Aux USA, les candidats sont inconnus des recruteurs car leur premier exposé a lieu à l’occasion des auditions consécutives au « job market ».

Une autre différence importante est qu’en France, le premier recrutement vaut titularisation (au grade de maître de conférences). Enfin, il existe aux USA des priorités de recrutements réservées aux femmes, aux « premier natives »,…

Une fois la « tenure » obtenue, le professeur nord-américain accède au rang d’ « associate professor » et plus tard, au rang de « full professor ». En France, le passage au rang de professeur intervient sur concours, par la réussite à l’agrégation en économie et gestion, ou dans les autres matières par la même procédure que pour le premier poste, conditionnellement à la soutenance d’une habilitation à diriger des recherches. Contrairement à ce qu’on l’on croit souvent, le système américain n’est pas plus incitatif à mener une activité de recherche soutenue après la titularisation. Un professeur en poste dans une université n’aura d’augmentation de salaire réelle (au-delà de l’inflation) que s’il reçoit une offre d’une autre université. Il peut utiliser cette offre pour demander une augmentation dans son université, au risque de devoir la quitter si cette augmentation lui est refusée. En dehors des quelques universités mondialement connues, les départements d’économie, de gestion ou de statistique des universités américaines comptent une grande proportion de professeurs sans réelle activité de recherche.

La situation n’est pas très différente en France, mais les chercheurs « non publiant » (pour reprendre la terminologie officielle) semblent plus uniformément répartis sur l’ensemble des universités (il n’existe pas de statistiques sur ce sujet). Jusqu’à très récemment, un maître de conférences ou un professeur pouvait, s’il ne demandait pas de promotion, ne plus être évalué au cours de sa carrière. La réforme en cours d’application a prévu une évaluation des activités de recherche, d’encadrement et d’administration tous les 4 ans par le CNU. En fonction de la note obtenue (A, B ou C), les universités attribueront une « prime d’excellence scientifique (PES) » (de l’ordre de 6000 euros par an) aux mieux notés, permettant ainsi de moduler les salaires. Par ailleurs, il existe des grades pour les professeurs (2ème classe, 1ère classe, classe exceptionnelle), dont le franchissement dépend essentiellement du dossier scientifique, sauf pour les promotions accordées au niveau de l’université.

Les différents types de travaux de recherche

Les curriculum-vitae des académiques anglosaxons distinguent de façon assez systématique les divers types de travaux écrits, en livres, travaux académiques et travaux non académiques.

Les livres :

Ils ont pour objectif de servir de support à des enseignements plus ou moins avancés et/ou de diffuser les travaux ou idées récentes une fois les sujets suffisamment stabilisés. De ce point de vue, ils sont toujours en retard par rapport à la recherche récente, généralement de 2 à 10 ans.

Les travaux académiques comprennent :

• Les « Discussion papers », « Research papers », « Working papers »
Il s’agit de versions préliminaires de travaux, études ou recherches, devant normalement conduire à publication dans des journaux scientifiques. Un travail reste sous cette forme, éventuellement révisée, durant la phase de présentation des travaux lors de séminaires ou congrès, et durant celle, un peu décalée, de soumission aux revues. Cette forme constitue le vecteur principal de diffusion des travaux pendant une durée de l’ordre de 3 à 6 ans. Il est habituellement sous copyright, ce dernier disparaissant et étant remplacé par le copyright de la revue une fois le papier publié. Il existe des séries de papiers de recherche pour les principales universités et centres de recherche, les plus réputées étant référencées et disponibles sur les sites web scientifiques.

• Les « Surveys »
Ces articles très particuliers ont pour but de faire le point sur un domaine ou une question précise en prenant en compte les recherches les plus récentes. Ils sont très peu en retard sur la recherche au moment de leur publication (1 ou 2 ans). Ils ne sont jamais remis à jour, mais remplacés par un autre « survey » sur le même thème écrit par une autre personne. Les bons « surveys », assez rares, sont d’une grande utilité pour les personnes abordant un nouveau sujet, car ils ont préalablement traité de manière cohérente la littérature existant sur un thème. Il existe des revues spécialisées pour les « surveys » ; sinon, ceux-ci peuvent être commandés par des revues plus classiques pour montrer l’importance de certains thèmes. Il existe également des livres ne comportant que des « surveys », commandés à des auteurs différents, autour d’une thématique. Les « surveys » sont souvent des étapes préparatoires avant l’écriture d’un livre avancé.

• Les articles de recherche
Il s’agit des articles publiés dans les revues scientifiques, après la phase « Discussion Papers ». Il existe un grand nombre de revues ayant ce label scientifique, au moins une quarantaine en finance- assurance, dont deux ou trois en langue française. Une condition nécessaire pour une telle reconnaissance est l’existence d’une procédure de lecture et d’arbitrage des articles soumis par au moins deux rapporteurs. Ces revues ont des niveaux très divers. Les taux d’acceptation des papiers présentés vont de 30 % à 5 % selon les revues et les sous-domaines. Ces taux ne rendent compte qu’imparfaitement de la différence de niveau des revues, en raison de l’auto-sélection.

L’évaluation d’un article soumis à une revue scientifique est faite de manière anonyme. L’éditeur en chef de la revue, ou un éditeur associé, choisit généralement deux arbitres (« referees ») à qui il demande de délivrer un rapport, dans un délai pouvant varier de 4 à 12 semaines. La tâche de l’éditeur n’est pas toujours simple car, dans les revues généralistes, la variété des sujets couverts dépasse souvent ses compétences. De plus, les arbitres sont des chercheurs comme les autres – il n’existe pas d’arbitres professionnels comme en sport- donc très occupés par leurs propres travaux. Les plus productifs sont également les plus sollicités par les éditeurs et au-delà d’un certain nombre de rapports, ils tendent à refuser toute nouvelle évaluation. Il est fréquent que l’un au moins des « referees » figure dans les références de l’article soumis à évaluation, ce qui garantit une compétence de l’évaluateur et augmente les chances qu’il accepte de traiter le papier. Lorsque les rapports parviennent à l’éditeur, généralement dans un délai supérieur à celui initialement fixé (pouvant atteindre, voire dépasser un an), celui-ci écrit aux auteurs pour leur faire part de sa décision en joignant à sa lettre les rapports anonymes. Il est très rare qu’un article soit directement accepté et plusieurs cas de figure sont possibles. Dans le cas le plus favorable (pour les auteurs) une « révision mineure » est demandée. Dans le cas le plus défavorable, l’article est « rejeté ». Les raisons potentielles de rejet sont multiples (erreur majeure invalidant les résultats principaux, résultats déjà connus, manque d’originalité). Les auteurs n’ont alors d’autre choix que de se tourner vers une autre revue, en tenant compte, le cas échéant, des remarques pertinentes des arbitres et en adaptant, de préférence, la rédaction de l’article au nouveau choix de revue effectué. Pour être accepté, un papier passe généralement par 2 à 3 révisions successives, avec un délai entre première soumission et publication qui va de 2 à 4 ans. Certains papiers peuvent cependant, pour des revues de plus haut niveau, passer par davantage d’étapes de révisions (jusqu’à 5 ou 6), nécessiter plus d’arbitres (3 ou 4) notamment pour une recherche nouvelle à cheval sur deux thèmes, et prendre alors entre 5 et 7 ans pour être publiés. Il importe enfin de savoir qu’un article ne peut être soumis à plusieurs revues simultanément.

• Les comptes rendus de congrès (« proceedings »)
Ils correspondent à des recherches présentées oralement à des congrès. Il y a une vingtaine d’années, ils constituaient un moyen privilégié de diffusion de la recherche. Ce n’est plus le cas actuellement avec la multiplication des revues et les classements de celles-ci. Souvent courtes, non référées, les versions publiées dans les comptes rendus sont préliminaires à des papiers de recherche, et peuvent alors servir à prendre date sur un thème de recherche.

La production du chercheur inclut
également des travaux non académiques,
tels que les :

• « Technical reports »
Il s’agit de notes techniques de veille technologique ayant pour but d’expliquer de façon simplifiée quelques résultats apparus dans la littérature ou présentés par des entreprises spécialisées. Ces notes sont souvent courtes, n’ont pas vocation à être publiées, bien qu’il existe une ou deux revues anglo-saxonnes où de telles notes peuvent paraître. Ces notes restent souvent internes aux institutions. Lorsqu’elles sont diffusées soit par l’intermédiaire des revues mentionnées plus haut, soit par l’intermédiaire de séries de notes gérées par des firmes comme Moody’s, S&P, JP Morgan… elles ont surtout une vocation com-merciale. Elles sont très rarement soumises à une procédure d’évaluation par « referee », même pour les revues mentionnées ci-dessus.

• « Staff report »
C’est une sorte de rapport technique, mais réécrit de façon plus lissée et littéraire à destination des directions d’entreprises.

• Articles de presse
ils se distinguent principalement par les types de publics auxquels ils s’adressent : public général (le Monde, les Echos), public plus informé (la Tribune, l’AGEFI). Il est admis que ces articles de presse peuvent servir à défendre certaines idées, en étant moins objectifs. Parmi les journaux pour public plus spécialisé, certains se présentent plutôt sous forme de revue et peuvent avoir pour but des opérations de lobbying, en faveur de certaines idées (Brookings) ou places financières.

L’évaluation des chercheurs

Au niveau international, les enseignants chercheurs sont notés et classés. Ces notes (« grades ») et classements (« rankings ») sont des données importantes au moment des recrutements de chercheurs confirmés (classement des candidats et fixation des niveaux de rémunération), des promotions (décision de permanence et passage au statut de « full professor »), et des mobilités (offre de postes), mais aussi pour l’attribution des fonds de recherche. Ces notes et classements d’enseignants chercheurs s’appuient toujours sur des notations et classements préliminaires de revues. Une fois celles-ci disponibles, les personnes reçoivent une note qui est fonction principalement des articles publiés, pondérés par la note de la revue où ils le sont. Evidemment, des critères plus qualitatifs liés à l’impact des travaux et à leur originalité sont également considérés. Ne sont pas pris en compte dans un premier temps : les livres, les papiers de recherche en cours, les papiers publiés dans des revues de trop bas niveau, les publications dans les « proceedings » de congrès, les rapports techniques, articles de presse… Ils peuvent l’être dans un second temps afin d’évaluer l’implication de la personne dans la dimension pédagogique (livres), ses liens avec les praticiens…

Ces classements dépendent du type de recherche. En ce qui concerne la finance, on trouve pour les revues essentiellement des classements en Economie, Gestion ou Mathématique. Les enseignants chercheurs seront alors inclus dans des classements relatifs à chacun des 3 domaines. Chaque institution : université, école, centre de recherche, apporteur de fonds, mixera ces classements en fonction de ses objectifs, mais sans modifier l’ordre interne à chaque matière1.

Les rémunérations proposées dépendent alors du pays, du type de département (moins élevées dans les départements de mathématiques, intermédiaires dans ceux d’économie, plus élevées dans les « business schools ») en fonction du classement du département, du type de thème, d’une notation du candidat et évidemment de sa personnalité. Actuellement, les thèmes de recherche peuvent être classés de la manière suivante en termes de rémunérations croissantes : Mathématiques financières ou actuariat, puis Economie Financière, puis Econométrie de la finance ou gestion des risques, puis Finance d’entreprise ou gestion de portefeuille.

Aux USA, les rémunérations varient à peu près selon les matières et pour des candidats de qualité comparable de 1 à 2 en début de carrière et de 1 à 3 en « full professor ».

L’activité de chercheur

L’activité d’un chercheur peut se résumer comme suit : recherche proprement dite, publication des résultats, diffusion des résultats, formation et administration de la recherche.

Publication d’articles de recherches

Le choix d’une revue est une étape importante de l’activité de recherche et demande de l’expérience. Ce choix est généralement effectué en cours de rédaction de l’article, car il conditionne le style dans lequel l’article est écrit.

Les revues se distinguent en effet par leur niveau, leurs thèmes privilégiés et leurs objectifs. En finance pure, la revue la plus cotée est « Journal of Finance ». Elle est marquée par un net rejet de toute formalisation un peu poussée. D’autres revues de finance pure (Journal of Banking and Finance...), tout en restant des revues de gestion, ont une optique plus ouverte en termes de formalisation. A l’inverse, des revues spécialisées en « finance mathématique » (« Mathematical Finance », « Finance and Stochastics ») privilégient la dimension technique. Enfin, de nombreux articles d’économétrie de la finance sont publiés dans des revues généralistes (par exemple Journal of Econometrics).
Diffusion des résultats de la recherche

La diffusion des résultats de la recherche ne se limite pas à la production d’articles. Une part importante de l’activité de recherche consiste en la présentation orale des travaux. Celle-ci peut prendre diverses formes :

• Les séminaires
ils sont organisés au sein des institutions de recherche, avec une périodicité donnée (hebdomadaire, mensuelle). L’orateur est généralement un chercheur extérieur à l’institution, invité à l’occasion du séminaire à présenter un article de recherche original et non encore publié. La durée de la présentation varie entre 45mn et 1h30. Une fois l’exposé terminé, ou en cours de route, l’orateur doit répondre aux questions ou objections de l’assistance. De préférence, les chercheurs présents ont pris connaissance, avant l’exposé, de l’article sur lequel s’appuie la présentation. L’orateur n’est pas supposé entrer dans tous les détails techniques du papier (notamment les preuves), mais doit s’attacher à présenter les motivations, l’intérêt et l’originalité de son travail.

• Les conférences
le principe (présentation d’un article original) est le même que pour les séminaires, mais la présentation est généralement d’une durée moindre (20 à 30 mn) et intervient au milieu d’autres exposés sur des thèmes proches. Il arrive que l’exposé soit suivi d’une « discussion », prenant la forme d’un court exposé présenté par l’un des chercheurs de l’assistance, qui permet d’avoir un autre point de vue sur le travail effectué.

La plupart des conférences sont annoncées par un appel à communications (« Call for papers ») présentant le(s) thèmes(s) de la conférence et le comité scientifique, et invitant les chercheurs à soumettre leur papier, dans un délai donné. Les papiers soumis sont alors évalués mais de manière plus légère que lors d’une soumission à une revue (il n’existe pas de rapport d’arbitre pour les conférences). Certaines conférences réputées (comme celles de l’Econometric Society) ont un taux d’acceptation qui ne dépasse pas 50 % des papiers soumis. Les grands congrès accueillent plusieurs centaines de participants, les travaux étant présentés dans des sessions parallèles. En plus des présentations normales (« contributed sessions »), les grands congrès comportent des sessions consacrées à des invités. L’orateur, un chercheur très confirmé, est ici directement invité par le comité scientifique, pour une présentation plus longue (1 heure) prenant souvent la forme d’une revue de la littérature, non limitée aux travaux de l’orateur.

• Recherche et mise à jour des cours de base de niveau M2
L’enseignement en dernière année de Master fait pleinement partie de l’activité d’un chercheur. Les cours constituent généralement une porte d’entrée vers la recherche. Ils doivent, en principe, porter sur des domaines relativement stabilisés, mais pour lesquels la recherche est toujours active. Des cours plus avancés, comme ceux de « formation par la recherche » de l’ENSAE, portent quant à eux sur des recherches très récentes : mesures de risque, économétrie des fonds spéculatifs, pour citer quelques exemples de cours de finance des dernières années. Le choix d’un directeur de thèse et d’un sujet par les étudiants s’effectue logiquement à partir des cours de M2. Même si les capacités scolaires peuvent être très différentes des capacités à la recherche, celles-ci sont corrélées positivement et le futur directeur de thèse s’appuie sur les résultats obtenus aux examens et surtout sur le mémoire de Master pour donner son accord à l’encadrement d’une thèse. Pour l’enseignant chercheur, ces cours sont aussi l’occasion d’une présentation synthétique d’un domaine qui lui est familier, pouvant déboucher sur la rédaction d’un livre. Enfin, la recherche peut aussi contribuer à la mise à jour de cours de niveau moins avancé (licence).

Il serait donc faux de croire que recherche et enseignement sont antinomiques. Les chercheurs les plus actifs sont évidemment demandeurs de réduction de leur charge d’enseignement, mais ne souhaitent généralement pas ne plus enseigner du tout. Ce « privilège » est réservé aux chercheurs du CNRS (ou d’autres institutions équivalentes), dont il n’est pas démontré qu’ils soient plus productifs que les universitaires, malgré le temps supplémentaire dont ils disposent.

L’administration de la recherche

Les chercheurs étant soucieux de conserver leur autonomie, les postes de direction des institutions de recherche et d’enseignement sont, pour une large part, occupés par les chercheurs. C’est le cas des postes de direction de laboratoires de recherche, mais aussi des présidences et vice-présidences d’université (même si ces derniers n’ont généralement pas un passé de chercheur très performant). Ces tâches sont prises en compte dans l’évaluation et donnent lieu à des décharges d’enseignement.

1 - À titre d’exemple, voir (sur le site du CREST) le classement retenu par le CREST et la Fondation du Risque pour leurs besoins propres. Il comporte les principales revues de finance et d’assurance et traite de façon égalitaire Economie, Gestion, Mathématique et Actuariat. Du fait de leurs besoins de développement et de leurs objectifs, les positionnements des revues plus mathématiques ou actuarielles sont ainsi relevés par rapport à d’autres listes. Les nombreuses revues de finance et assurance non citées ont un rating de zéro, même si plusieurs d’entre elles ont des procédures de référé.

Autrice

Christian Gouriéroux (1972) et Jean-Michel Zakoian (1985), Responsables du laboratoire de finance-assurance du CREST

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